Au printemps 1995, un professeur d’informatique s’emportait en prĂ©sence de 5 Ă©lĂšves dans le cadre inattendu du module de Programmation OrientĂ© Objet, au sujet de la circulation automobile.
- Quel scandale, disait-il, que de construire des routes ! Nos voitures devraient ĂȘtre conçues pour tout type de terrain et franchir les distances sans altĂ©rer le paysage !
Et l’auditoire de peiner Ă  visualiser des flux de vĂ©hicules se frayant un chemin Ă  grande vitesse Ă  travers la campagne, bondissant au-dessus des cours d’eau, et franchissant les haies dans un souffle, sans en incommoder le feuillage dĂ©licat.

Mais voici qu’un projet d’aĂ©ronef Ă  dĂ©collage et atterrissage verticaux pourrait enfin rendre obsolĂšte l’aride asphalte oĂč viennent s’encombrer tant de vilaines voitures. Figurez-vous qu’un ingĂ©nieur toulousain financĂ© par l’aviation civile et de multiples partenaires du secteur aĂ©ronautique (imaginez le sĂ©rieux de la chose) prĂ©voit en effet de prĂ©senter au salon du Bourget 2017, un prototype de voiture volante.

L’Xplorair repose sur 3 concepts innovants : Le thermorĂ©acteur qui utilise un cycle de combustion de 20% plus efficace que les rĂ©acteurs traditionnels, l’effet Coanda qui met Ă  profit le flux des rĂ©acteurs avant pour accroĂźtre la portance des ailes arriĂšres, et l’effet Chilowski, qui Ă  l’instar de la supercavitation (les torpilles) permet d’obtenir un effet de traĂźnĂ©e nĂ©gative. Il est remarquable que le vĂ©hicule a prĂ©cisĂ©ment Ă©tĂ© dessinĂ© pour tirer le meilleur parti de ces 3 concepts.

Tout le bazar dĂ©colle verticalement de votre jardin pour se positionner Ă  2500m d’altitude et tracer une coquette trajectoire vers l’ouest Ă  200km/h. (On peut aussi tracer dans d’autres directions, mais l’ouest est plus joli). A l’arrivĂ©e, le tout se pose comme papillon aux pattes de velours, dans votre jardin qui n’est pas le mĂȘme que celui du dĂ©part. On remarque que la locution ‘votre jardin’ dĂ©signe toute Ă©tendue grossiĂšrement plane de la taille d’une place de parking, ce qui de ce fait Ă©largit considĂ©rablement les possibilitĂ©s.

Vers l’an 2000, j’aurais fait remarquer que si l’on devait remplacer les voitures au sol par des aĂ©ronefs, il ne se trouverait pas dans la Galaxie suffisamment de contrĂŽleurs aĂ©riens pour coordonner un tel chahut. Fort heureusement, les progrĂšs en automation ont Ă©tĂ© tels qu’il est raisonnable de penser que bientĂŽt, on ne confiera plus la gestion des flux de circulation aux humains pour qui la tĂąche est insurmontable, et que la fin du vĂ©hicule individuel permettra d’ailleurs d’en rĂ©duire le nombre de façon considĂ©rable et bienvenue.

Alors tout va bien ? Bien sĂ»r que non. Des tas d’individus Ă  l’horizon Ă©troit glapissent sur les forums que l’idĂ©e ne marchera jamais, et que les ingĂ©nieurs feraient mieux d’abandonner leurs Ă©tudes dispendieuses pour aller aider les pays pauvres Ă  planter les topinambours qui leur font cruellement dĂ©faut.

Je m’en fiche. Car au salon du Bourget 2017, tout le monde sera admiratif de l’Xplorair et de son allure de jeune bourdon intrĂ©pide.

As the glorious French Air Force used to say: “Rise and conquer”
SĂ©rieux