Selon une persistante rumeur, le sage aurait déclaré : « Assieds toi au bord de la rivière, si tu attends assez longtemps, tu finiras par y voir passer le corps de ton ennemi ».
Tout d’abord, la question se pose une fois pour toutes : qui donc est ce sage qui semble avoir dissipé son existence à déclarer des choses que depuis personne n’a été vérifier ?
A en juger par l’âge de la rumeur, le sage en question ne peut manquer à l’heure qu’il est d’être retourné échauffer les oreilles de ses ancêtres. Selon différents sites didactiques, il s’agirait d’un proverbe bantou.
Au premier regard, le conseil semble inoffensif. Il invite l’auditeur à une expérience amusante dont tout l’investissement personnel consiste à se délasser au bord de la rivière.
Puis surgit le doute. De quelle rivière s’agit-il ?
Même si on limite pour des raisons historiques la zone de recherche à l’Afrique centrale, le nombre de rivière y est bien trop grand pour espérer y pratiquer l’expérience car il y a toutes les chances que le cadavre de mon ennemi choisisse justement de passer sur celle où je ne me délasse pas. C’est un point sur lequel le sage a fait preuve d’un dilettantisme certain.
Après le doute, l’angoisse nous étreint. Qu’entend le sage par ‘assez longtemps’ ?
Il est certain qu’un temps infini à disposition permettrait sans doute d’observer un grand nombre d’événements curieux, et pas seulement au bord de la rivière, mais compte tenu de la tragique brièveté de la vie humaine, il apparaît que le cadavre dans la rivière a toutes les chances d’être le mien. L’expérience alors perd grandement de son intérêt car je ne pourrais même pas vérifier que mon cadavre boursouflé passe effectivement devant mon lascif ennemi.
Ce qui nous amène au paradoxe principal de l’affirmation bien effrontément proférée par le sage. On admettra aisément que si l’on est pourvu d’un ennemi on est également le sien. Par conséquent, le cadavre de l’un est supposé passer en flottant devant l’autre à un certain moment sur la rivière, ce qui, pour l’un des deux au moins signifie qu’il devra d’abord perdre la vie, passer en flottant devant son ennemi qui se délasse en aval, avant de débarquer à quelque distance pour s’assoir sur le bord et attendre lascivement que l’autre fasse de même. Cette solution comporte une séquence de retour à la vie qui heurte l’observation quotidienne.
Ou bien il faut supposer que l’un des ennemis n’a pas eu assez de patience pour attendre ‘assez longtemps’, et que par conséquent, le premier qui quitte le bord de la rivière finira immanquablement par y retourner à l’état de cadavre afin de passer en flottant devant la silhouette lascive de l’autre. S’il prenait son axiome au sérieux, le sage n’a probablement jamais quitté le bord de la rivière.
On sent bien que ça ne colle pas. Car si les deux ennemis sont également convaincus de l’avis du sage, ils consommeront leur existence au bord de la rivière et un seul des deux au plus observera le passage du corps de l’autre.
Pouvons-nous lever le paradoxe en supposant qu’une personne puisse avoir plusieurs ennemis ?
Ainsi le second observe le passage du corps du premier, avant de périr et flotter à son tour vers un troisième et ainsi de suite. Ne subsiste que le problème du premier ennemi qui lui n’observera flotter que des amis.
Décidément, cet adage semble bien peu fiable. Après tout, il se trouve sur la Terre une grande quantité d’ennemis, et les rivières ne paraissent pas en général si encombrées de cadavres flottants observés depuis le bord par des légions d’ennemis lascifs l’œil rivé sur leur chronomètre.
Ma conclusion à ce stade de ma réflexion est que le sage est un fieffé tire au flan qui aurait pu aider les autres à couper du bois au lieu de pérorer dans des poses lascives au bord de la rivière.
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