
Les augures étaient sombres pour le spectacle de télévision Sleepy Hollow, car sa réalisation créditait l’implication de Len Wiseman, l’homme que tous les amateurs de SF souhaiteraient pouvoir gifler pour avoir ruiné le concept de Total Recall et profané l’héritage de Philip K Dick. Malgré ce handicap, le spectacle se distingue par le charme de ses personnages principaux, en particulier Ichabod Crane.
Sérieusement, il faut que quelqu’un se charge de gifler Len Wiseman, sans quoi justice ne sera jamais rendue.
C’est l’histoire d’un espion de George Washington (you know him ?), occis durant la guerre d’indépendance, qui s’échappe du séjour des morts au 21e siècle poursuivi par le Cavalier sans Tête, le premier des quatre de l’Apocalypse (La Mort), qu’il va devoir combattre en compagnie de Abbie, l’adjointe du shérif pour empêcher la Fin du Monde. C’est à la phrase qui précède que l’on identifie le point faible de l’histoire : pris au premier degré, c’est ridicule. Avec Len Wiseman dans l’affaire, le nanar est aux portes.
En réalité, l’expérience se révèle hilarante grâce au personnage d’Ichabod Crane, échappé du tombeau qui fait l’expérience du 21e siècle avec les yeux du 18e, permettant d’enrichir chaque scène de dialogue d’un magnifique petit choc culturel. Le spectateur est ainsi amené à rire de choses piquantes plutôt que de railler le grotesque du sujet avant de courir à la recherche d’un nouvel objet à snober.
Un autre aspect appréciable du scénario est la nature platonique de la relation Abbie/Ichabod, qui permet de laisser y éclore le charme de la complicité sans s’encombrer de la romance habituelle qui viendrait tout précipiter dans le vulgaire. Ainsi que le remarque judicieusement Daily Mars, chacun des deux a une bonne raison d’éviter une telle erreur : Ichabod est hanté par le souvenir de sa femme décédée 230 ans plus tôt, quant à Abbie, sa raison est qu’Ichabod porte les mêmes vêtements depuis le 18e siècle et qu’il attend le 12e épisode pour les laver.

Le capitaine Crane mène ses conversations comme il porte ses vêtements, avec la désuétude et la théâtralité qu’on attend d’un réfugié temporel. Une passionnée de la guerre d’indépendance qui admire son style ne sera ainsi jamais détrompée de l’idée qu’il s’agit d’un acteur impliqué jusqu’à la manie dans une permanente reconstitution historique (On remarquera la persistance à son encontre de la menace psychiatrique).
Le choc technologique me semble intelligemment traité. Ichabod qui déambule comme un paladin égaré dans une pièce de Shakespeare se lance avec candeur dans le pittoresque déphasé. Ses messages vocaux ressemblent à des missives diplomatiques et il confie ses sentiments les plus profonds à la hotline d’une société de location de voitures.
En résumé, le Cavalier échoue à faire peur et l’intrigue parvient à peine à convaincre que tout cela mène quelque part, mais la scène où Ichabod s’emporte contre les taxes sur les donuts et appelle le peuple à se répandre dans les rues pour dénoncer l’affront justifie à elle seule la série.

C’est l’heure où on rentre du bouleau

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