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Allégresse ! Une équipe allemande va envoyer une audi quattro sur la Lune fin 2017 !

Cet événement s’accomplira dans le cadre émoustillant du Lunar Xprize et inclut entre autre l’objectif de visiter le site d’Apollo 17, dernier atterrissage lunaire habité à ce jour. L’équipe s’appelle Part Time Scientists et le lanceur qui sera utilisé n’est pas encore annoncé, mais tout le monde parie sur un Falcon 9 car c’est la fusée la plus chouette du moment.

Incidemment, George Dvorsky, du technoBlog Gizmodo (We come from the future) en profite pour déclarer :

« Finally, something that’ll get the Moon landing conspiracy nutters to shut the hell up. »


Le pétulant reporteur laisse éclater ainsi son espoir de voir mettre un terme aux spéculations futiles des chasseurs de complots.

Il me semble que rien n’est moins sûr.

En effet, loin d’être sensibles à la rationalité, les maniaques de la cabale semblent souvent s’enorgueillir comme d’un triomphe personnel de se prendre les pieds dans des raisonnements artificieux. Et bien que tous ne soient pas de véritables paranoïaques, ils s’abandonnent avec un tel appétit à la divagation compulsive, qu’un philosophe à bout de patience pourrait être tenté de les gifler pour la peine.

Bien que ne datant pas d’avant-hier, la manie de dénoncer la présence d’une anguille derrière chaque roche s’est considérablement développée depuis l’avènement de la toile mondiale et des réseaux sociaux. La rumeur qui jadis se susurrait entre bouche et oreille au fond des tavernes se répand désormais comme la sauterelle sur les innombrables blogs d’une population toujours avide de potins grassouillets.

Folklore de l’âge numérique, le phénomène conspirationniste est une véritable curiosité anthropologique qui dépasse largement le simple canular ou la légende urbaine. Popper suggérait en 1945 de le considérer comme la mise à jour contemporaine des superstitions anciennes. En ce sens, il serait aussi vain d’espérer détromper un adepte du Complot que s’attendre à voir un contemporain d’Homère renoncer à l’intervention des dieux dans le récit de la guerre de Troie.

Ainsi la personne convaincue qu’Apollo est une mise en scène aura beau jeu d’écarter tout témoignage du contraire en argumentant que les témoins sont à l’évidence impliqués jusqu’aux oreilles dans la Constipation.

Il serait intéressant d’envoyer une telle personne sur la Lune afin de vérifier par elle-même. Sans doute se convaincrait-elle qu’elle aussi fait désormais partie du Complot…

La psychologie et la sociologie sont souvent convoquées pour expliquer cette tendance de l’être humain à voir en toute chose l’œuvre de forces occultes et drôlement bien organisées, mais ce qui préoccupe le quidam est plutôt le fait que sur le plan strictement formel, les conspirationnistes sont inattaquables. En effet, à l’exception notable des mathématiques, aucun fait n’est jamais rigoureusement prouvé. Il est toujours possible d’invoquer une hypothèse invérifiable qui pourra le contredire.

Evidemment, c’est une attitude qui ne mène pas bien loin. Et en principe, la démarche scientifique est réputée éviter ce genre d’impasses intellectuelles en ne considérant que les hypothèses susceptibles d’être réfutées. C’est-à-dire qui proposent une expérience dont le résultat positif viendrait contredire l’hypothèse. C’est une façon efficace de s’épargner la peine de suivre des pistes qui ne mènent à rien.

Malheureusement, de nombreux domaines de réflexion (y compris certaines disciplines scientifiques) ne permettent pas toujours d’appliquer cette méthode avec succès. Dans ces cas-là, on est amené à valider la confiance que l’on a dans une théorie en remarquant sa cohérence, son pouvoir prédictif, ou le fait qu’un grand nombre d’expériences indépendantes portant sur des données différentes convergent vers les mêmes conclusions.

Par exemple, il serait pratique que des centaines de pays de par le monde aient chacun indépendamment envoyé des astronautes sur la Lune le même jour, car l’évocation d’autant de complots simultanés aurait peu de chance d’être faite, même par des gens très fâchés.

Mais puisque ce n’est pas le cas, le philosophe a peu d’autre ressource que de faire remarquer qu’une conspiration telle qu’Apollo impliquerait tellement de moyens et de complices dans le monde entier et sur des décennies, qu’une réelle mission lunaire s’impose évidemment comme une manière bien plus accessible de consommer l’argent des impôts.

En général, cet argument a peu d’impact sur le chasseur de complots et en toute rigueur, pourquoi ne pourrait-il pas retenir l’hypothèse la moins probable, si cela lui permet de se sentir moins à l’étroit dans son futal ? Après tout, les sciences aussi progressent fréquemment par l’énoncé d’hypothèses ad hoc. C’est d’ailleurs de cette façon que les théories sont sans cesse améliorées, par itération.

Remarquons également que l’Histoire ne manque pas de complots avérés, et que les peuples de la Terre sont si fréquemment sommés d’avaler des vessies et des lanternes, qu’on ne peut s’étonner qu’à la longue, ils en deviennent soupçonneux…

La question intéressante est alors : En quoi le complotiste qui nourrit sa théorie d’hypothèses ad hoc pour passer outre les réfutations se distingue-t-il du scientifique qui énonce une hypothèse ad hoc pour intégrer les résultats contradictoires ?

Tout le malaise me paraît résider dans ce que le pourfendeur de conjurations a tout à fait l’air de suivre une démarche scientifique. Et souvent il s’en vante, ce qui le rend antipathique. Alors quelle est la différence entre les deux approches ?

Il y a clairement une question d’attitude : Le scientifique s’emploie à malmener son hypothèse afin d’en éprouver la fiabilité, alors que le troll pelleteur d’intrigues exige qu’on lui délivre une preuve sur un plateau pendant qu’il fanfaronne au bar.

Et bien qu’il soit difficile de lire l’esprit des gens, on peut aussi évoquer une question de motivation :

Le scientifique cherche à mettre son savoir en question afin d’accroître et d’affiner sa connaissance du monde, tandis que l’exalté de la manigance semble très satisfait de trôner dans une citadelle de préjugés.

Il n’existe à ma connaissance aucun argument irréfutable de la réalité du programme Apollo, pas même un voyage dans la Lune. Et après tout on s’en fout. Le seul vrai reproche que l’on puisse faire à un agité de la Cabale, c’est de faire un piètre usage de sa liberté de penser.

Maintenant ce qui serait fameux, ce serait que le rover découvre le site d’apollo 17 et remarque qu’il s’agit d’un décor de théâtre. Avec des clowns.

Le culte de l’ignorance se nourrit de la notion erronée que démocratie signifie: ‘Mon ignorance vaut autant que ton savoir’

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